" Les signes qui permettraient d’identifier les villes d’Europe traversées par Laure Abouaf sont très rares et équivoques sitôt qu’on pense les avoir dénichés. Le nom de ces localités n’est pas indiqué sous la forme d’une légende qui nous obligerait à rechercher dans nos souvenirs de voyage ce que, de toutes façons, nous ne retrouverions pas à l’intérieur du cadre photographique. En effet, à l’opposé de la carte postale ou du reportage touristique, la série exclut de son champ de visée la couleur locale, le détail typique, la note exotique, le cadre pittoresque ou l’ambiance folklorique. Pour autant, l’absence des procédés usuels de mise en valeur de ces scènes urbaines et leur anonymat lui-même, ne les rendent pas énigmatiques. Ces lieux photographiques sont, d’une certaine façon, des lieux communs en ce sens qu’ils apparaissent similaires – et non pas semblables – à d’autres que nous rencontrons dans la vie ordinaire. Cette similarité cultivée signifie qu’ils appartiennent moins à un espace géographique précis qu’au regard de la photographe."
Robert Pujade (extrait du texte écrit pour l'exposition à Domus)
Publication de la galerie Domus de l'université Claude Bernard Lyon 1, dédiée aux expositions. N° 43 : Laure Abouaf
Publication gratuite sur demande (prévoir frais de port)
En choisissant de trancher ces parts d'éclairé et d'ombre dans ce qu'elle offre à voir, le parti pris est grand. Risqué pouvons nous même dire. Par l'idée d'installer un dualisme entre le vivant et le non vivant, entre l'existant et l'absent.
Pourtant, c'est en ça que le travail de Laure Abouaf se distingue. Car il n'en est rien. Ce n'est pas une catégorisation qui nait, mais plutôt une invitation à transcender ce risque. Poser une matrice pour la dépasser. Nommer pour allez voir plus haut. Sortir de sa zone de confort. Autrement qu'une finalité, elle est la polarité de départ. Une assise discrète qui s'efface pour mieux appréhender l'impalpable, l'indicible, ce qui ne se nomme pas.
C'est un tour de force. Car ce pari osé, pourrait nous emmener à appréhender cet invisible comme des nuances entre ce noir et ce blanc. En gris. Or, elles s'en absente par l'idée même d'en assumer les densités, sans concession.
Reste au visiteurs une fenêtre libre sur l'entre deux brute, inaliénable, en dehors de l'acceptation intellectuelle.
Reste le sensible.
Ainsi amené, le sujet se confond à l'intention en s'établissant comme immatériel. Le sujet de l'image. Le sujet des images. Une mise en abyme qui transcende la sensibilité en reliant l'être du visitant et du visité.
Le sujets des images d'abord. Il se niche ici toujours en pudeur, s'émancipant non comme l'origine du concept mais plus humblement dans ce qui le permet, le relais, l'attise.
Toute matérialité peut donc s'effacer pour ne laissez que la puissance de ce qui ne se saisit pas, de ce qui ne se fabrique pas mais de ce qui est la, préexistant. La présence ou la non présence cesse son importance démesurée, cesse d'étouffer le concept et le regard. C'est ce monde qui est permis à l'humanité et non plus l'humanité qui permet se monde.
C'est à ce moment que se placer dans la ville prend sens. Le sujet de l'image. Il s'évapore comme un parfum qui vient soutenir l'expérience, en rappelant ce qui est construit, bâtit de ce qui ne l'est pas. Et la fabrique même du travail disparaît pour une simple conscience. Celle qui nous invite à considérer le commun immatériel européen. Nous laissant une emprunte en idée de vanité à croire que c'est le matériel qui densifie l'immatériel. Nous reléguant à ce qui nous dépasse. Au vertige.
Florestan G.